Le célèbre vulcanologue français, qui, par ailleurs, fait partie du comité de défense d' « Afrique-Asie », donne
son point de vue sur la tragédie d'El-Asnam.
« AFRIQUE-ASIE ». — Pour la deuxième fois, El-Asnam est meurtrie. En tant que spécialiste, vous aviez déjà étudié la catastrophe de septembre 1954, puis vous avez eu l'occasion de développer votre réflexion sur cette calamité naturelle. Quelles sont vos premières impressions ?
HAROUN TAZIEFF. — La catastrophe de 1954 a révélé la fragilité de la zone d'El-Asnam, et, depuis lors, j'ai très rapidement pu me convaincre que, du moment qu'un séisme violent se produit quelque part, il est absolument certain qu'il se reproduira au même endroit et avec au moins la même violence. La seule chose qui est totalement impossible à prédire, c'est l'intervalle entre deux secousses destructrices.
Il y a plusieurs types de régions sismiques de par le monde. Les plus exposées ont des séismes destructeurs très fréquents. C'est le cas de toute la ceinture de feu du Pacifique, aussi bien au Chili, au Pérou, en Californie, en Alaska, au Japon, aux Philippines ou encore en Chine. Puis il y a des régions où les séismes sont aussi très fréquents mais moins violents, bien qu'ils atteignent tout de même parfois une magnitude de 8 de l'échelle de Richter. Je veux parler du nord de l'Inde, de l'Himalaya, de l'Afghanistan, de l'Iran et de la Turquie. Puis, plus à l'ouest, toujours dans la même bande, les tremblements de terre sont encore légèrement moins violents, mais toujours destructeurs et meurtriers. C'est le cas de la Grèce et de la Yougoslavie. Puis cette bande revient vers le sud-est, la Sicile, la Tunisie et le Maghreb, qu'elle traverse en écharpe pour aller mourir dans l'Atlantique, à Agadir. Le tremblement de terre qui vient de se produire est, je crois, le plus violent jamais enregistré en Afrique.