Des constructions endommagées et des sinistrés abandonnés à leur sort.
Deux secousses telluriques d’une magnitude de 4,1 et 4,8 sur l’échelle ouverte de Richter ont été enregistrées, jeudi à 3h57, puis à 6h22, à 28 km au sud, et non à 17 km au sud-est de Mostaganem, selon les services du Craag. La région la plus touchée se situe, approximativement, entre 25 et 35 km au sud de la ville de Mostaganem et s’étend sur une largeur d’une dizaine de kilomètres de part et d’autre de la RN23, à la frontière de la wilaya de Relizane.
Ce sont, plus précisément, deux grands douars relevant des communes de Sidi Saâda et Yellel, dans la wilaya de Relizane, et l’agglomération de Bouguirat, dépendante de la wilaya de Mostaganem, qui ont subi les plus gros dommages, exclusivement matériels.
Particulièrement au douar Houaïtia, qui relève de la première commune citée, plusieurs vieilles demeures, des murs d’enceinte et autres abris pour bestiaux en pierres et sans armatures bétonnées ont été totalement ou partiellement démolis par les secousses telluriques, a-t-on constaté sur place. À Bouguirat et Beni Ktir, le douar qui prolonge son tissu urbain au-delà de la frontière avec la wilaya de Relizane, les dégâts ont concerné des fissurations, parfois de véritables ouvertures dans les murs, des effondrements de plafonds et de balcons, des affaissements de sols, et de destruction de vaisselles et d’appareils électroménagers dans des foyers, ou d’équipements et de produits en matériaux fragiles au niveau de certains commerces.
À deux ou trois exceptions près, ce ne sont pas les vieilles bâtisses datant de l’ère coloniale qui ont le plus souffert du séisme, mais plutôt les constructions plus récentes. Hormis l’hôpital réalisé par une entreprise chinoise, dont seul le mur d’enceinte s’est lézardé, pratiquement toutes les autres constructions, privée et surtout publique, récemment réceptionnées ou en cours de réalisation, ont été affectées. Le directeur de la jeunesseet des sports de la wilaya a alors décidé la fermeture, à titre conservatoire et jusqu’à l’obtention de l’aval des services techniques compétents, de tous les établissements sportifs et de jeunesse de la localité.
Côté humain, ce fut une journée tumultueuse à Bouguirat. Surtout à la suite de la deuxième secousse, d’une magnitude de 5,2 sur l’échelle de Richter, selon le Craag cité par l’APS, et de 4,8 seulement, selon le Centre méditerranéen de sismologie. La frayeur du premier choc, ayant arraché la population de son sommeil, s’est amplifiée par une panique indescriptible qui n’a épargné personne. À la polyclinique, l’affluence avait atteint son record : quelques blessures et traumatismes bénins, mais surtout énormément de chocs psychologiques de personnes tremblantes, hébétées.
À l’information, vite colportée telle une traînée de poudre, qui faisait état du déplacement sur les lieux de la catastrophe du wali de Mostaganem et des autorités de la wilaya de Relizane, la réaction a été prompte, vive et particulièrement virulente : en l’absence d’une moindre autorité locale à même de donner un tant soit peu de réconfort, l’on se rabat sur la caserne de la Protection civile dont les éléments étaient submergés, sollicités aux fins de constater les dégâts. La RN23 est coupée aux deux bouts de l’agglomération, sur les deux tronçons la traversant et la contournant, jusqu’à la moitié de l’après-midi.
Évitant d’attiser le "feu", les gendarmes en renfort se sont retrouvés seuls à gérer une situation potentiellement explosive de jeunes se déclamant frustrés et délaissés par une autorité sans crédit palpable. Le chef de daïra, malmené verbalement, a failli être lynché, n’était la présence du commandant de compagnie de la gendarmerie.
À Terfès, notamment, devant les immeubles totalement évacués, voire désertés par leurs occupants, des tentes de fortune ont été dressées afin d’abriter les femmes et les enfants. Alors que les familles qui ont des parents ou des proches au bas-Bouguirat ou dans les douars avoisinants, ont préféré déménager à titre provisoire, d’autres, notamment les hommes, ont, depuis, préféré passer leur nuit à la belle étoile, surtout de crainte que des voleurs n’osent aggraver leur lamentable situation. Une situation guère meilleure que le désespoir dans lequel nous avons trouvé la population des douars Houaïtia et Ouekref, sur les hauteurs de Bouguirat.
" Notre sort, vous pouvez en juger vous-même ! ", nous répond un vieil homme tout triste, couché sur une vieille natte, entouré d’enfants et d’adultes qui scrutaient de loin le chemin menant à leur pâté d’habitations.
" Ce matin, nous avons reçu la visite du wali, escorté du chef de daïra et du maire. Ils ont vu de leurs propres yeux la situation catastrophique dans laquelle nous nous sommes retrouvés. Ils nous ont promis des tentes et des provisions, mais, depuis, nous n’avons rien vu venir ni reçu personne, ne serait-ce que pour un quelconque soutien moral ! ", renchérit un habitant d’un certain âge, avant de nous inviter à nous enquérir, nous-mêmes, de l’ampleur du drame.
Liberté vendredi 23 - samedi 24 mai 2014