I - PRINCIPE DU COMPACTAGE
Quel que soit le procédé utilisé pour corroyer une terre, passage d'engins, de rouleaux, damage manuel ou mécanique, serrage par charge statique, etc., la densité finale du sol ainsi transformé dépend de la teneur en eau. Si le procédé reste rigoureusement le même, la courbe de compactage présente un maximum de densité sèche (γ d max) pour une teneur en eau optimale (Wopt). A gauche de cette valeur sur les courbes de la figure 1, il n'y a pas assez d'eau pour assurer une lubrification entre les grains et assurer une bonne mise en place. A droite de l'optimum il y a trop d'eau pour que les grains puissent se mettre au contact le plus proche les uns des autres. Si on augmente l'énergie de compactage les courbes s'emboîtent les unes dans les autres; γ d max croît et Wopt décroît. Le plan (γ d, w) est borné à droite par l'hyperbole définie par la relation paramétrique :
L'étude du compactage se fait en laboratoire en utilisant un damage normalisé connu sous le nom d'essai Proctor. Le mode de compactage est tout à fait arbitraire; il a d'ailleurs été modifié plusieurs fois et il existe différentes normes. Nous indiquerons, ci-dessous, les deux principales.
Le sol est compacté par le choc d'une dame dans un moule métallique dit « moule Proctor » (diamètre 10,2 cm soit 4 pouces, hauteur 11,7 cm soit 4,6 pouces; volume 0,96 dm3).
Dans les deux cas le sol est arasé dans le moule avant la pesée et on recommence l'essai en faisant varier la teneur en eau. L'énergie de compactage est environ 5 fois plus forte dans l'essai Proctor modifié que dans l'essai normal; elle est peut-être 10 fois moins forte cependant que celle qui est utilisée sur un chantier où elle est d'ailleurs donnée d'une façon toute différente et difficilement comparable. L'essai est fait au laboratoire sur les matériaux inférieurs à 5 mm, ce qui rend la comparaison avec la réalité encore plus délicate. De toute façon la correspondance entre la réalisation d'une densité par un engin sur place ou par la norme Proctor au laboratoire doit être assurée par les essais in situ dont les résultats sont utilisés ultérieurement pour le contrôle d'exécution.
On peut dire cependant en gros que les engins utilisés pour le compactage routier donnent des densités sèches de l'ordre de 95 % de γ d max Proctor normal, ou encore 90 % de γ d max Proctor modifié. Les rouleaux à pneus lourds utilisés pour le compactage des barrages en terre donnent 95 % de γ d max Proctor modifié et parfois même davantage.
La recherche di maximum de densité correspond à la recherche de la meilleure résistance pour le sol ainsi compacté. Remarquons au point de vue pratique que si deux matériaux sont équivalents, celui dont le maximum est le plus plat permet à l'exécution des erreurs de teneur en eau qui ne sont pas acceptables avec un sol présentant un maximum très pointu. D'où une surveillance plus délicate et la préférence au premier.
Au point de vue de l'identification des sols, une densité sèche maximale inférieure à 1,60 dans un essai Proctor modifié caractérise un mauvais sol, une densité sèche maximale comprise entre 1,80 et 1,90 un sol convenable, une densité sèche supérieure à 2,05 un sol excellent. De même une teneur en eau optimum supérieure à 20 % est un indice défavorable.
II - PROPRIÉTÉ PHYSIQUES DES SOLS COMPACTES
a) Résistance
La résistance à la compression simple d'un sol compacté, ou la résistance à la pénétration d'une aiguille, est une fonction décroissante de la teneur en eau (*). Il semble qu'on ait intérêt à se placer à gauche de la courbe à γd constant. En fait ce n'est pas vrai car après saturation (qui risque toujours de se produire) et en l'absence de gonflement (fig. 2), les deux sols A et A' évoluent vers le point B et c'est le même produit final qu'on obtient indépendamment de l'origine. Si le sol est soumis à une surcharge sans apport d'eau extérieure, il tasse. Le point représentatif A de la figure 3 passe en C, puis en D avec expulsion d'eau. Si cette expulsion est difficile, la consolidation ne se produit plus et la résistance au cisaillement cesse de croître. Si l'équilibre final est en D, il suffit de partir d'une teneur en eau initiale inférieure à celle que définit D et prendre par exemple l'état E. Par des raisonnements de ce type on règle la teneur en eau de mise en place pour éviter l'apparition de pressions interstitielles dangereuses dans les hauts remblais compactés.
(*) L'essai C.B.R. est un essai de poinçonnement normalisé. L'indice C.B.R. dépend du compactage effectué.
b) Perméabilité
Par compactage on diminue le volume des vides, donc la perméabilité du sol. Les essais au laboratoire le montrent aisément. La perméabilité peut être diminuée de 10 fois dans certains cas par le compactage.
III - LES ENGINS DE COMPACTAGE
Les engins de compactage utilisés sur chantiers sont les suivants :
— les rouleaux lisses;
— les rouleaux à pieds de mouton (d'une masse de 15 à 20 t limitée par l'effort nécessaire pour leur traction qui est élevé);
— les rouleaux à pneus (d'une masse de 50 à 200 t; pression de gonflage de 0,5 à 0,7 MPa);
— les plaques vibrantes (de 1/2 t à 5 t — fréquence 10 à 20 hertz; surface de plaque de 0,5 à 1 m2);
— les rouleaux lisses vibrants;
— les engins percutants et pilons automoteurs type « grenouille ».
Le rôle des engins est de provoquer un écrouissage du sol au bout d'un certain nombre de passes qui ne doit être ni trop grand, pour des raisons économiques, ni trop petit pour assurer un bon raccordement entre des zones compactées voisines. Plus le rouleau est lourd, plus la surface de contact au sol est grande, plus il agit en profondeur, donc plus les couches compactées peuvent être épaisses. Pour les argiles lourdes les rouleaux lisses ou les rouleaux à pneus sont les plus convenables; les plaques vibrantes sont d'autant plus à proscrire que leur effet n'est pas très profond mais que l'aspect superficiel paraît excellent après le passage de l'engin. Lorsque la teneur en eau d'un sol argileux est trop forte il apparaît parfois un feuilletage du sol lorsqu'on augmente le nombre de passes. Ce phénomène, appelé improprement surcompactage, est nuisible et les couches ainsi maltraitées doivent être terrassées. Les matériaux sableux peuvent être compactés par les rouleaux lisses, les rouleaux et les plaques vibrantes. Pour compacter les sables on a intérêt à utiliser simultanément l'arrosage et la vibration. Enfin les pilons automoteur donnent d'excellents résultats dans la plupart des cas; ils sont cependant peu utilisés en France.
Le contrôle d'exécution porte essentiellement sur le nombre de passes des engins, sur la teneur en eau de mise en place, enfin sur la densité sèche obtenue.
IV - APPLICATIONS AUX ROUTES
Il s'agit d'obtenir un corps ayant un indice C.B.R. élevé. On peut y parvenir par différentes méthodes.
a) Stabilisation mécanique
C'est essentiellement le compactage qui permet d'améliorer la portance du sol, de la sous-fondation ou de la fondation. Lorsqu'on ne trouve pas un terrain naturel qui a des propriétés mécaniques suffisantes, on peut mélanger des terres de différentes natures pour se rapprocher des granulométries-types des bétons de sol. Les engins doivent obtenir un mélange intime pour que le résultat soit bon.
b) Stabilisation par apport de ciment
L'addition de 8 à 10 % de ciment permet d'obtenir un béton très maigre dont la résistance en compression simple peut atteindre 1 à 2 MPa. La difficulté principale est de réaliser sur le chantier un mélange suffisamment intime et ceci exclut presque obligatoirement la possibilité de traiter des argiles lourdes. L'addition de ciment est plus faible pour les graves (3 à 4 %) que pour les autres sols. Un bon compactage est indispensable car il a une influence prépondérante sur la résistance du produit fini.
On s'en rend compte aisément au laboratoire lors de la recherche de la quantité optimum de ciment à ajouter au sol, en examinant la résistance à 7 jours et à 28 jours des différents moulages Proctor. On prend en général comme teneur en eau de mise en place Wopt Proctor et on s'assurent de l'absence de matière organique capable d'empêcher la prise du ciment; la durabilité du corps obtenu est appréciée par un essai normalisé de brossage énergique. D'autres matériaux sont susceptibles d'engendrer in certain durcissement chimique comparable à celui du ciment : le laitier, les cendres volantes, la chaux.
c) Stabilisation chimique
De nombreux produits chimiques ont été utilisés pour obtenir la stabilisation des sols : bitume (à froid ou à chaud), résines organiques (Vinsol, Rosine, etc.), lignosulfites, acrylates, aminés, mélanges aniline-furfurol, hydrophobants, siJicones ...
Les résultats sont variables d'un sol à l'autre; en dehors du bitume il s'agit de produits chers mis à des doses très faibles. Une étude particulière s'impose à chaque fois pour trouver le dosage optimum L'étude se fait facilement en laboratoire avec les mêmes méthodes que celles qui ont été décrites ci-dessus. Le bitume est utilisé avec un dosage de l'ordre de 3 à 4 %. Si on emploie de l'émulsion de bitume le pourcentage peut croître jusqu'à 6 %.
V - APPLICATIONS AUX BARRAGES
Pour les barrages homogènes, à zones, ou en enrochements avec noyau étanchéité en terre, l'étude préliminaire de l'aptitude au compactage des sols est indispensable.
a) Organes en terre d'étanchéité
L'étanchéité est une qualité importante pour un ouvrage en terre. On détermine en laboratoire quel est le sol qui doit être retenu pour cette fonction sans d'ailleurs qu'il soit nécessaire de prendre le plus étanche. On détermine aussi la densité sèche qu'il faut obtenir in situ pour le sol définitivement choisi.
b) Organes en terre de stabilité
Le compactage d'un sol améliore ses qualités mécaniques. Les essais de résistance (cisaillements directs, essais triaxiaux, etc.) permettent de mesurer cette amélioration et donnent les caractéristiques mécaniques dont on a besoin pour le calcul des pentes des talus, par exemple par la méthode du cercle de glissement. Les essais de compressibilité permettent de prévoir les tassements de l'ouvrage sous le poids propre. Si des pressions interstitielles peuvent se développer dans les organes de stabilité il faut prendre des précautions et en particulier mettre en place le sol à une teneur en eau inférieure à celle de l'optimum pour éviter le risque de saturation. Cette façon de faire a cependant l'inconvénient de donner des remblais un peu raides ayant tendance à fissurer. C'est pourquoi dans certains cas, par exemple pour des remblais de faible hauteur, on peut avoir intérêt à opérer à une teneur en eau supérieure à wopt : on évite ainsi le danger de gonflement, si les terres sont très argileuses; le sol est plus plastique, ce qui est utile par exemple pour un noyau étanche; il est aussi plus imperméable. Enfin si un danger de développement de la pression interstitielle existe avec cette seconde méthode, il est toujours possible de place dans le remblai des capteurs de pression, de suivre le développement de la pression interstitielle avec le chargement, et d'adapter la cadence de la construction à la dissipation de la pression de l'eau des pores.