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samedi 9 juin 2012

Les nouvelles cartographies


En voulant représenter une surface courbe par une surface plane, on trahit toujours la réalité. Il est impossible de respecter tout à la fois la forme générale des pays, leur réelle superficie et les distances exactes de ville à ville. Comme donc la carte « parfaite » n'existe pas, l'imagination des mathématiciens s'en est donné à coeur joie dans l'élaboration des projections les plus sophistiquées. Mais, de nos jours, les méthodes graphiques les plus complexes cèdent le pas aux solutions numériques permises par la plus modeste des calculettes.

Les Anciens appelaient « Géographie » la description de l'ensemble des terres connues et « Topographie » la description détaillée d'une contrée particulière. Nous continuons à appeler cartes « géographiques » des cartes à petite échelle représentant de grands ensembles ou la Terre dans sa totalité, et cartes « topographiques » des cartes à grande et à moyenne échelle, qui n'embrassent que des surfaces relativement restreintes. Cette distinction a longtemps correspondu à un critère objectif, bien que la classification des échelles soit un peu arbitraire : ou bien l'on tenait compte de la courbure terrestre (que l'on ne pouvait absolument pas négliger lorsque l'on voulait représenter une portion notable de la surface terrestre), ou bien on la négligeait, et c'était le cas pour les levés à grande échelle. Vers le milieu du dix-huitième siècle on commença à faire intervenir la forme et les dimensions de la Terre dans la réalisation des cartes topographiques ; ceci amena les ingénieurs tantôt à adapter à leurs besoins propres les systèmes de représentation plane de la terre déjà utilisés par les géographes, tantôt à en inventer de nouveaux, le but restant toujours de rendre aussi peu sensibles que possible les inévitables déformations. Ces déformations se remarquent évidemment moins sur une carte à grande échelle que sur une carte générale de la Terre. Aussi ne dirons-nous que quelques mots sur les cartes topographiques, quitte à nous étendre davantage sur les très nombreuses « projections » que l'on rencontre dans les atlas et les dictionnaires.

DE LA SPHÈRE AU PLAN.

Bien que la cartographie moderne prenne en compte, au moins de façon indirecte, le fait que la surface de notre planète soit plus proche d'un ellipsoïde de révolution que d'une sphère, nous continuerons à parler de la sphère terrestre : passer du modèle sphérique au modèle ellipsoïdique amène à compliquer le problème mathématique de la représentation sans modifier l'allure générale des cartes. Qu'il nous suffise donc de voir comment se pose le problème de la représentation d'une surface sphérique par une surface plane, puisqu'il est clair que les globes, qui donnent la meilleure « image » de la Terre, sont de construction et d'utilisation délicates, et que l'emploi des cartes s'impose dans la pratique.

Comment peut-on alors représenter une surface courbe par une image plane sans trop trahir la réalité ? On souhaiterait, à juste titre, que la forme générale des pays soit conservée, que leur superficie sur la carte soit proportionnelle à leur superficie dans la réalité, et qu'il y ait également proportionnalité pour les distances entre les villes. En fait, les mathématiciens ont démontré que les deux premières exigences étaient contradictoires et que la troisième ne serait jamais satisfaite.

Considérons pour commencer le problème des distances : il n'existera jamais de carte qui permettrait de connaître la distance à vol d'oiseau entre deux villes par simple mesure de la distance entre leurs « images » sur la carte et multiplication de la quantité lue par un facteur ne dépendant que de la carte. Tout au plus peut-on réaliser des cartes où trois points « alignés » sur la surface terrestre, sur le même grand cercle, intersection de la sphère avec un plan passant par son centre, ont leurs images situées sur la même droite.

Venons-en maintenant à la conservation des « formes » : Pour éviter toute ambiguïté, nous devons recourir au langage de la géométrie élémentaire. Soient donc trois points A, B et C sur la sphère, représentés sur la carte par trois points a, b et c. Nous pourrons dire que les formes sont conservées si chacun des angles du triangle abc est égal à l'angle correspondant du triangle sphérique ABC. Mais ici, une petite parenthèse s'impose : nous appelons triangle sphérique ABC la figure formée par les plus courts chemins à la surface de la sphère, joignant ces trois points entre eux. Les lignes correspondantes sont des arcs de grands cercles. Nous appelons angles du triangle sphérique ABC les angles que forment entre elles les tangentes à ces cercles en chacun des points considérés. On démontre que la somme de ces trois angles est supérieure à 180° et donc, à la somme des angles du triangle abc. Ceci suffit à prouver qu'aucune carte ne conserve les angles.

Mais, nous objectera-t-on, il existe des projections dites « conformes » qui remplissent cette condition. En fait, si trois points sont alignés sur la sphère, leurs images ne le sont plus sur une carte en projection conforme : les arcs de grands cercles ne sont plus représentés par des segments de droites, mais par des courbes plus ou moins compliquées. Les trois courbes correspondant aux trois arcs AB, BC et CA se couperont en a, b et c selon trois angles qui seront, eux, égaux aux trois angles du triangle sphérique ABC. On dit parfois que sur ces cartes, des figures infiniment petites sur la sphère — et ces figures uniquement — ont pour images des figures semblables du plan. On ne peut alors plus parler d'une échelle qui serait la même en tout point de la carte, mais seulement d'échelles locales : deux petits cercles de même rayon que la sphère seront représentés par deux petits cercles de rayons en général différents sur le plan.


Voyons enfin la conservation des superficies. Cette fois-ci, nous avons plus de chance : il existe un grand nombre de projections « équivalentes ». Si nous disposons d'une carte utilisant un pareil système de représentation et si l'on nous dit que son échelle est de 1/10000000, nous pourrons être assurés que un cm2 de la carte représente 10000 km2 sur le terrain. En d'autres termes, l'échelle des surfaces, ou échelle superficielle, sera constante. Mais on démontre qu'une représentation ne saurait à la fois conserver les angles (au sens restreint défini précédemment) et les surfaces : il faudra donc s'attendre à ce que les représentations équivalentes altèrent considérablement les formes. Quant à la notion d'échelle, elle va poser ici un problème nouveau : pour savoir quelle longueur sur le terrain représente un petit segment de la carte (disons, un segment de 1 mm pour fixer les idées), il faudra faire intervenir l'orientation de ce segment, alors qu'avec une représentation conforme, il nous aurait suffi de savoir où ce segment se trouve. En un point donné, l'échelle des longueurs, ou échelle linéaire, ne sera pas la même selon le méridien et selon le parallèle.

En résumé, dans les représentations équivalentes, l'échelle superficielle est constante, mais l'échelle linéaire dépend à la fois du point et de la direction considérés. Dans les représentations conformes, l'échelle superficielle est variable, mais l'échelle linéaire en chaque point est indépendante de la direction.


Dans ces conditions, peut-on encore parler d'une échelle « moyenne » de la carte ? Pour les cartes en projection équivalente, il est logique d'indiquer comme échelle la racine carrée de l'échelle superficielle. Pour les autres cartes, le problème est plus délicat, mais les cartes équivalentes vont nous donner l'idée d'une solution : il existe en effet sur ces dernières des points ou des lignes privilégiés où l'échelle linéaire ne dépend pas de la direction. Ces points ou ces lignes sont appelés « centre » de la projection. Cette notion de centre, c'est-à-dire, d'un point ou d'un ensemble de points privilégiés par la représentation, peut se généraliser aux projections d'autres types. Dans le cas des projections conformes, l'on ajoute à la condition de transformer un petit cercle en un petit cercle — condition remplie en tout point — une condition supplémentaire, dont la définition rigoureuse nous ferait sortir du cadre de cet article. C'est l'échelle au « centre » (de la projection, et non de la carte !) qui constitue ce que l'on appelle l'échelle « nominale ».


Selon l'utilisation que l'on réserve à la carte, l'on choisira tantôt des représentations conformes, tantôt des représentations équivalentes. Mais souvent — en particulier pour les atlas — on choisira un compromis : de l'impossibilité à concilier « conformité » et « équivalence » est née la grande famille des représentations « aphylactiques » qui ne conservent ni les angles, ni les aires, mais qui essaient de ne pas trop trahir les uns et les autres.

LA NAISSANCE DE LA CARTOGRAPHIE MODERNE.

Le profane qui ouvre un traité moderne sur les projections cartographiques sera peut-être étonné de n'y guère trouver de figures représentant des constructions géométriques. Il sera frappé en revanche par l'abondance et la complexité des formules mathématiques. Ceci résulte d'une évolution amorcée au dix-huitième siècle avec des mathématiciens tels que Lambert, Euler ou Lagrange : grâce aux progrès du calcul différentiel et intégral, on a pu traiter les projections comme une simple application du problème plus général qui consiste à trouver deux fonctions (en l'occurrence, les coordonnées x et y sur la carte) de deux variables (la latitude L et la longitude M) devant satisfaire à des conditions imposées à l'avance.

En particulier, les chapitres consacrés à la représentation de Mercator (1512-1594) font appel à des notions mathématiques totalement inconnues de son inventeur. Ceci ne doit pas trop nous étonner : Mercator utilisait une méthode graphique pour tracer les lignes représentant les méridiens et les parallèles. Il est beaucoup plus curieux de constater — et cela n'a d'ailleurs été fait que récemment — que, pour réaliser une carte en « Mercator », il n'est pas même besoin d'avoir des idées précises sur la forme et la dimension de la Terre. Comment cela est-il possible ? Qu'il nous suffise de considérer le problème de la navigation : nous avons dit que le plus court chemin entre deux points de la sphère était l'arc de grand cercle les joignant. Mais suivre une pareille route oblige le bateau à changer constamment de cap. Naviguer à cap constant est beaucoup plus facile mais allonge considérablement les voyages sur des distances intercontinentales. Toutefois, sur les distances que l'on rencontre en Méditerranée et en Mer Noire, cet allongement reste négligeable : dans ce cas, la solution pratique consistera à suivre la ligne — appelée loxodromie — dont la tangente fait un angle constant (l'azimut de la loxodromie) avec les méridiens. Mais, nous dira-t-on, comment s'astreindre à suivre une direction qui fasse un angle constant avec le méridien du lieu où l'on se trouve, si l'on ignore la notion de méridien ? La réponse nous est donnée par les astres et l'aiguille aimantée : il est bien connu qu'en un lieu donné, les étoiles semblent décrire en un peu moins de 24 heures un cercle autour d'un point fixe du ciel, le pôle céleste. Tout naturellement, le voyageur sera amené à prendre la direction de ce point (ou plutôt de sa projection, au sens de la géométrie élémentaire, sur la surface terrestre) comme direction de référence. On pourra alors déterminer l'azimut d'une direction sans rien savoir de la forme de la Terre. De même que le pôle céleste, l'aiguille aimantée nous indique, en un lieu donné, une direction en première approximation fixe dans le temps : que cette direction coïncide plus ou moins bien avec la direction en projection du pôle céleste, n'a pas d'importance pour le problème qui nous occupe.

Une carte utile au navigateur devra permettre de trouver facilement le cap (supposé constant) à suivre. Connaissant alors l'azimut à suivre pour aller, par exemple, de Marseille à Alger, l'idée s'impose de reporter ces deux villes sur un plan de façon telle que le segment qui les joigne fasse avec la direction haut-bas de ce plan un angle égal à l'azimut considéré (1).

On pourra ainsi construire, point par point, une carte des côtes de la Méditerranée, chaque point étant obtenu comme intersection des directions issues de deux points reportés antérieurement. On démontre que l'on a alors réalisé une carte en projection de Mercator, sans le savoir ! Et ceci a été réalisé, pour la Méditerranée et la Mer Noire, dès le XIIIe siècle, soit à une époque où la rotondité de la Terre n'était pas universellement admise. Inutile de dire que ces cartes ne portaient aucun réseau de parallèles et de méridiens. Précisons toutefois que les azimuts sur lesquels étaient fondées ces cartes n'étaient pas « géographiques » (c'est-à-dire référencés à la direction du pôle céleste) mais « magnétiques » : ces cartes ne seront donc pas superposables à des cartes en « vraie » projection de Mercator.

Après avoir vu comment le problème de la navigation dans une mer fermée pas trop étendue avait conduit de façon pour ainsi dire mécanique à la projection de Mercator plus de deux siècles avant la naissance de ce dernier, passons à la navigation dans l'Atlantique : la navigation à cap constant n'est en général plus possible. Le marin sera contraint de « faire le point », c'est-à-dire de déterminer sa latitude et sa longitude. Mais là aussi, il pourra se permettre d'ignorer la forme et la dimension de te terre, voire d'imaginer une terre plate.


En effet, tout navigateur a pu constater que la hauteur du pôle céleste au-dessus de l'horizon dépendait du lieu où l'on se trouve. Appelons cet angle « latitude », et les itinéraires le long desquels cette hauteur ne varie pas « parallèles ». La notion de longitude est un peu moins évidente, car elle fait intervenir en plus celle d'heure locale : si nous appelons « midi » le moment où le soleil est au plus haut de sa course, il est intuitif que pour deux points situés sur le même parallèle, il ne sera pas midi au même instant. On appellera alors « différence » de longitude entre deux points la différence entre leurs heures locales (2). Pour pouvoir la mesurer de façon tant soit peu précise, il faudrait embarquer une horloge mise à l'heure au point A, et comparer ses indications avec l'heure solaire mesurée au point B : ce n'est qu'au XVIIe siècle que les progrès de l'horlogerie ont rendu cette opération possible dans la pratique. Mais le problème avait été compris bien avant, ce qui suffisait pour définir la notion de longitude.

On est ainsi amené à faire des cartes où la distance d'un point à deux bords perpendiculaires est proportionnelle respectivement à la latitude et à la longitude du point représenté : ce sont les « cartes plates carrées » : le réseau des parallèles et des méridiens, lorsqu'il est explicité, constitue un quadrillage régulier, et la « projection » est définie par les formules on ne peut plus simples : x = M ; y = L.

Les cartes de navigation du XIVe siècle utilisaient cette représentation pour les côtes de l'Atlantique. Sur les mêmes cartes, la Méditerranée et la Mer Noire étaient représentées selon le procédé vu plus haut : comme aucune explication n'était fournie, et que le réseau des parallèles et des méridiens n'était pas explicité, les géographes contemporains ont eu le mal que l'on devine à résoudre l'énigme de la projection !

Au XVIe siècle, on n'en est plus là. La renaissance des études grecques a familiarisé les érudits avec les travaux de Ptolémée (IIe siècle ap. J.-C.) et donc avec les notions explicites de latitude et de longitude. Les méridiens et les parallèles sont représentés, mais quelle projection va-t-on employer ? Une solution consistera à s'inspirer de la façon dont on fait les globes terrestres : on colle sur une sphère un certain nombre de bouts de papiers imprimés préalablement à plat, et suffisamment petits pour être à peu près jointifs sur la sphère. Mais s'ils sont jointifs sur la sphère, ils ne le sont plus sur le plan : on arrive alors à une représentation fragmentée, dont un bon exemple nous est donné par la carte que Waldseemùller imprima à Saint-Dié en 1507, et qui doit sa célébrité au fait que pour la première fois le Nouveau Monde y est appelé Amérique. Mats c'est son allure générale qui nous intéresse aujourd'hui : le monde y est représenté sous la forme de 12 fuseaux disposés côte à côte. En fait, le dilemme représentation fragmentée ou représentation d'un seul tenant est permanent pour les cartographes. Même pour les cartes topographiques, le problème se pose de savoir si l'on va créer un grand nombre de systèmes de représentation, chacun étant adapté à une petite portion de la surface terrestre : les déformations seront réduites au minimum, mais on multipliera les hiatus entre les différentes cartes. La tendance actuelle est plutôt de réduire les discontinuités, et donc d'augmenter les déformations en ce qui concerne les cartes à grande et moyenne échelle, mais il n'est que de consulter un atlas pour constater que les deux solutions continuent à être employées concurremment pour les cartes générales.


Cette vidéo réalisée avec Cabri 3D montre comment en direct la représentation d'un pays sur le globe terrestre et sa représentation sur le cylindre de Mercator. On peut y observer l'aggravation des déformations au fur et à mesure qu'on se rapproche d'un pôle.
Auteur : Jean-Jacques DAHAN


Quant à Mercator, il utilisera différents types de représentation : sa carte de 1538 nous offre un monde en forme de coeur, forme peut-être inattendue pour notre globe, mais qui découle d'une construction géométrique simple, déjà connue de Ptolémée qui ne l'appliquait qu'au monde connu de son temps, monde limité par deux parallèles et deux méridiens, qui prenait alors la forme d'un manteau ! Son grand planisphère date de 1569. Les méridiens et les parallèles y sont figurés par des droites perpendiculaires entre elles. Mais à la différence des cartes plates carrées, les parallèles ne sont plus équidistants : conscient des déformations que de pareilles cartes faisaient subir aux régions éloignées de l'Equateur, Mercator a imaginé de « dilater » le degré de latitude au fur et à mesure que l'on se rapproche des concilier l'inconciliable. Non contents de chercher à créer des représentations qui soient à la fois conformes et équivalentes, on a tenté de cumuler les avantages des mappemondes et ceux des planisphères.

On sait en effet que pour ces derniers, les diverses altérations (altérations d'échelles ou altérations angulaires) deviennent très importantes lorsque l'on approche des bords de la carte : il n'est que de voir ce que deviennent les régions polaires sur les différentes représentations cylindriques directes que nous avons évoquées. Les projections qui conduisent à représenter la Terre par une mappemonde n'ont pas cet inconvénient, mais figurer un objet qui, dans la réalité, est d'un seul tenant, par deux ensembles disjoints a quelque chose de peu satisfaisant pour l'esprit.

On a été amené ainsi à faire subir diverses transformations à des projections qui normalement ne peuvent pas représenter l'ensemble de la surface terrestre. L'on trouvera ci-contre un petit échantillonnage de pareilles tentatives. Donnons quand même quelques mots d'explication :

Si l'exposé des formules mathématiques utilisées sort du cadre de cet article, il peut être intéressant de noter que beaucoup de ces tentatives font intervenir la représentation sur un solide auxiliaire. Ceci est déjà vrai pour les plus classiques des projections : projections cylindriques ou projections coniques. Si nous n'avons pas insisté sur cet aspect, c'est à dessein : une pareille présentation risque d'accréditer, à notre avis, l'idée que les projections sont toujours des transformations géométriques simples, voire des projections au sens de la géométrie élémentaire. Nous préférons laisser à certains ouvrages de vulgarisation la responsabilité d'affirmer que la projection conique est la projection obtenue par perspective de la sphère depuis son centre sur un cône tangent et par développement suivant une génératrice. Mais on ne peut pas passer sous silence le recours à des solides circonscrits, pour le problème qui nous intéresse ici. En raison de leurs propriétés géométriques remarquables — les polyèdres réguliers, c'est-à-dire les polyèdres dont toutes les faces sont des polygones réguliers égaux — ont particulièrement retenu l'attention des géographes. Une utilisation particulièrement simple consiste à faire une perspective depuis le centre de la sphère sur les six faces d'un cube inscrit et à développer ensuite ce cube sur un plan. Mais les exemples ci-contre témoignent de plus de recherche.

L'AVENIR DES PROJECTIONS.

Faut-il répéter, après La Bruyère : « tout est dit, et l'on vient trop tard ? » S'il s'agit simplement d'inventer de nouvelles projections, la réponse est bien évidemment non : tout étudiant en mathématiques moyennement doué peut en créer autant qu'il le désire. S'il sort du lot commun, nous lui accorderons volontiers la possibilité de réaliser une représentation plane jouissant de propriétés aussi intéressantes qu'inédites.

Pourtant, à part l'aspect passe-temps mathématique, une pareille recherche nous paraît vaine. Ce disant, nous ne sommes pas inspirés par un respect passéiste qui nous interdirait d'explorer des voies nouvelles. C'est plutôt l'évolution du rôle de la carte qui nous a amené à cette conclusion.

Entendons-nous bien. La carte restera toujours un outil irremplaçable pour la géographie et pour les domaines de la connaissance ou de l'activité humaine qui s'y rattachent. Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est l'utilisation de méthodes graphiques pour la solution de problèmes numériques.

D'autres phénomènes contribuent, non pas à diminuer l'importance de la carte, mais à en faire évoluer le rôle : la carte est de moins en moins employée en navigation aérienne, par suite de l'évolution de l'ensemble de ses techniques.

La grande révolution informatique avec son dernier avatar, l'invasion de calculettes électroniques, est en train de ranger au magasin des accessoires bien des abaques qui étaient parfois des chefs-d'oeuvre d'ingéniosité. Il n'y a pas de raison que la carte ne subisse pas les contrecoups de cette situation. A quoi bon, en effet, imaginer des projections sophistiquées pour résoudre graphiquement des problèmes d'angles, de distances ou de surfaces (entre beaucoup d'autres), alors que nous disposons de moyens de calcul de plus en plus rapides, de plus en plus simples d'utilisation, et de moins en moins coûteux ?

JEAN-GEORGES AFFHOLDER

(1) Remarquons que le Nord n'a pas toujours occupé la place d'honneur " en haut " de la carte : pendant une grande partie du Moyen Âge, avant que ne se généralisent les cartes de navigation, cette place revenait à l'Est, direction de Jérusalem ... et du Paradis terrestre. Il nous en est resté le verbe « orienter ».

(2) L'origine des tenues « latitude » et « longitude » doit être cherchée dans le fait que le monde connu des anciens était plus étendu dans le sens Est-Ouest que dans le sens Nord-Sud.

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